Article dans La Côte
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COPPET – Alia El May Azmeh a créé une association «Sourires de femmes».
TAHANI KHALIL
Alia signifie en langue arabe sublime, ciel, noble ou encore la cime de la montagne. Ce prénom féminin lui va comme une jolie nappe aux fines broderies syriennes, à la belle et sereine Alia El May Azmeh qui réside à Coppet. Elle a débarqué en Suisse dans les années soixante en compagnie de ses parents et ses deux frères originaires de Damas, en Syrie. Un exil volontaire et non forcé, précise Alia. «Mon père était venu collaborer à l’ouverture d’une banque. J’avais quatre ans et je me souviens de ma mère en petites sandalettes qui n’avait pas réalisé qu’il faisait nettement plus froid ici que chez nous. A l’époque, les chutes de neige étaient abondantes sur les cimes helvètes».
En 2013, Alia écrit un texte intitulé «Lettre à ma terre» où l’arrachement à sa terre mère surgit soudain tel un boomerang. «Nous sommes responsables de notre terre, elle nous porte et ce chemin commence à Damas. Le chemin de la liberté retrouvée.» Lorsque la guerre éclate en Syrie en 2011, Alia se sent démunie et préoccupée par le sort réservé à son pays. Entre culpabilité et nostalgie lui vient alors l’idée de créer une association au doux nom de Sourires de femmes(1). Une pause souriante au cœur de la haine et de l’hémorragie intarissable d’un Proche-Orient en feu. L’inauguration d’un pont entre l’Orient et l’Occident. Un lien qu’elle souhaiterait établir afin de rapprocher ces deux rives. C’est aussi un hommage à ses ancêtres syriens, une famille de résistants au protectorat français avec un oncle, le général Youssef Al Azmeh, qui est mort au combat en 1920 et fut sacré héros national en Syrie. Elle ne cesse de marteler sa chance de vivre en Suisse, dans ce minuscule pays de paix envers lequel elle sera toujours reconnaissante. Sourires de femmes, c’est une association destinée à aider les femmes en Syrie, déplacées dans des camps d’infortune au Liban, notamment, où elles ont trouvé refuge avec leurs enfants. L’association essaye de le faire à travers des ouvrages textiles réalisés par ces femmes. «Le monde du tissu est celui que j’utilise dans mon métier d’architecte d’intérieur, mais c’est aussi la trame humaine qui m’intéresse et la Syrie est un grand producteur de textile».
L’axe de la famille
Sourires de femmes a aussi un projet – déjà testé sur le terrain au Liban –, celui d’aider les femmes syriennes ainsi que d’autres femmes à guérir leur part féminine blessée et à s’exprimer par le biais d’outils thérapeutiques en collaboration avec des thérapeutes spécialisés en EFT – Emotional Freedom Techniques –, une technique de libération émotionnelle qui consiste à tapoter du bout des doigts les points d’entrée des méridiens en répétant une phrase positive en relation avec le traumatisme. L’art thérapie, le Reiki et la communication non violente font également partie des moyens mis en place par l’association qui organise une fois par année une récolte de fonds grâce à la vente des réalisations de femmes syriennes mais aussi par le biais de dons privés.
Pour Alia, les femmes sont l’axe de la famille, son pilier, ce sont elles qui dégagent l’amour et la paix. Elle se sent remplie par cette mission à accomplir. On demande aux femmes de se gommer à travers le voile et de nier leur existence de mère donneuse de vie. «J’ai envie d’apporter une réparation à ces femmes ainsi qu’à leurs blessures, qu’elles portent en elles depuis des siècles», explique-t-elle. Alia aimerait sourire à la vie parce que c’est aussi le reflet de l’âme et de la joie. Et c’est sous un voile pudique qu’elle esquissera sa maladie diagnostiquée en 2009 juste deux ans avant les printemps arabes. «Ma maladie, mon amour»(2), le titre troublant de son livre, comme le cancer dont souffre son pays natal, la Syrie. (1) https://www.facebook.com/souriresdefemmes (2) Ma maladie, mon amour. Alia El May Azmeh – Editions Planète Santé – 2015